La résurrection des "Évangélistes"...

... ou la musique des anges

Entre la crise financière et la crise sanitaire... ce matin on ne sait plus oùevangelistes donner de la tête en écoutant les nouvelles...

Alors je choisis de vous parler de la beauté, car je suis persuadée que la beauté sauvera le monde et qu'un homme capable d'admirer la beauté, de la désirer, de l'atteindre au moins un peu par ses œuvres, trouvera toujours en lui les ressources pour édifier la Vie et la transmettre autour de lui...  Et la beauté dont je veux vous parler aujourd'hui vient de l'histoire d'amour entre un homme et la musique, en passant par son habilité à travailler le bois et à le faire résonner.

Cet homme s'appelle J. B. Vuillaume (1798-1875) et il fut l'un de plus grands luthiers français du XIXe siècle. Son père lui apprit les bases de la lutherie, mais c'est du fond de lui-même que Vuillaume tira de quoi devenir un luthier à la carrière exceptionnelle: de son amour pour la beauté, pour la musique, de sa passion et de son attention aux plus petits détails, de son désir d'entendre résonner les instruments comme des pièces uniques. Il disait de son travail: « La construction d'un violon ne demande pas seulement un grand savoir faire artisanal, mais aussi une richesse culturelle et artistique personnelles ». C'est en Italie, à l'école de Cremona, qu'il apprit son métier, et c'est là qu'il apprit aussi à copier les instruments des plus grands maîtres de lutherie. Les plus illustres violons, comme le Stradivarius Messie, et des célèbres violoncelles, dont le Stadivarius Servais sont passés par son atelier.

Épris par la beauté de ces instruments, et fasciné notamment par le « Messie » de Stradivarius (1716), Vuillaume se mit à rêver de construire un Quatuor... pas quatre instruments qui pourraient jouer ensemble un jour, mais bien quatre instruments construits pour résonner ensemble, taillés dans un même morceau de bois, chacun unique mais inséparables, dans le but avéré de réaliser l'idéal de chaque rôle dans l'équilibre quartettiste. Et c'est ce qu'il fît. en 1863 Filant la métaphore religieuse, le luthier français a donné aux instruments les noms des quatre évangélistes. Ils s'appellent Jean, premier violon, adapté aux sons aigus, Marc, second violon, aux sons plus graves, Mathieu, avec un seul « t », l'alto, et Luc le violoncelle.

Depuis, mystérieusement, les "Évangélistes" n'ont quasiment pas été joués dans leur configuration de quatuor. Le luthier français Étienne Vatelot les a acquis en 1973, puis conservés durant 35 ans dans son atelier parisien, en attendant qui pourrait leur redonner vie et son, repoussant souvent les convoitises de plusieurs musiciens et luthiers qui voulaient en faire l'acquisition séparément. Tout comme Vuillaume l'avait souhaité, Étienne Vatelot tenait aussi à que ce trésor de beauté et d'harmonie puisse résonner ensemble. Après avoir entendu en concert en 2007 les Quatuor Modigliani, quatre garçons de moins de 30 ans, Étienne Vatelot finalement décidé de se séparer de ses instruments et de les leur confier. Patronnés pas la société suisse Swiss Global Artistic Foundation qui les a acquis à grand prix, ces quatre instruments ont été restaurés par Vatelot et ont résonné pour la première fois ensemble sous les doigts habiles des Modigliani en septembre 2008.

Ceux qui ont eu la joie de les entendre résonner... ont dit qu'on a cru entendre... la musique des anges!

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