Le scandale du mal
Quoi dire face aux événements de ces deux derniers jours?
La Belgique s'écroule, l'Église aussi...
Je suis sans paroles, comme vous qui me lisez sans doute.
C'est comme si je savais plus où poser les pieds... où est la terre, notre mère terre?
Il est vraiment difficile pour moi d'accueillir les nouvelles concernant de la démission de l'Évêque de Bruges... je me dis, comme l'a souligné l'évêque de Tournai, Mgr Harpigny, que cela est un cauchemar, et un mixte de colère, de dégoût, d'incrédulité envahit mon coeur. Comment cela a été possible?
En même temps je suis touchée par la réaction de tous dans cette histoire, y compris par celle de l'évêque démissionnaire. Leurs communiqués sont publiés sur le site des évêques de Belgique, ils méritent tous d'être lus. La justesse de chacun de mots qui ont été prononcés est déjà un baume sur le coeur et un signe précieux de la miséricorde de Dieu ainsi que de la vérité et de la bonté de l'Église, souillée comme elle est par ses propres pasteurs
Mais l'heure est grave... Pourquoi autant de mal, là où on ne s'attendrait qu'à trouver le bien?
En réfléchissant sur les événements et en écoutant mon coeur, une lecture faite il y a quelques mois m'est revenue à l'esprit. Il s'agit du livre de J-F Maldamé, Le scandale du mal, (Cerf, 2001), une lecture que je vous conseille et dont je recopie ici quelques extraits.
Cela me semble la seule parole que je peux dire, outre témoigner à chacun des évêques, prêtres, religieux et religieuses que je connais (et que je ne connais pas) toute mon affection, qui est aussi l'affection pour l'Église universelle, souffrante aujourd'hui d'un mal qui ne l'épargne pas, comme il n'a pas épargné Celui duquel elle a été engendré, le Christ lui-même.
Ce texte me donne à penser que le coeur le plus souffrant de tous aujourd'hui... est le coeur même de Dieu...
"Il n'y a pas de mal s'il n'y a un sujet qui en est affecté (...) Le sujet qui subit le mal, en souffre parce qu'il le connaît à la mesure même où il en est affecté et à la mesure même où il est conscient de ses droits. A ce propos, il faut rappeler que celui qui porte le mal, ce n'est aps d'abord celui qui le commet, mais celui qui le subit et en souffre. Il en souffre d'autant plus qu'il sait quel est son bien. parce qu'il connaît la bonté des choses, il sait ce qui manque à ce qui devrait être.
L'expérience du malheur apprend hélas que la haine est source d'aveuglement, la colère source de méprise. L'insensibilité de l'immoral est le signe de la perte du sens du bien et du mal. Il y a là un mal plus grand, même si celui qui le porte l'ignore (...) Celui qui souffre d'un mal ce n'est pas celui qui le commet dans l'endurcissement de son coeur, mais celui qui, faisant le bien en voit la malice. Les parents des enfants qui se droguent ou tombent dans la délinquance pleurent et souffrent du malheur dans lequel sont leurs enfants, alors que ceux-ci peuvent vivre (pour un temps) dans l'inconscience de la malice de leurs actes. (...)
Ces remarques sur le sujet affecté par le mal ont une conséquence théologique. Il est clair que celui qui connaît le mal pour ce qu'il est vraiment, c'est le Créateur de tout ce qui est. Ce n'est pas le pécheur qui, auteur du mal, ne le connaît que dans ses effets et non en sa raison de mal. Pour cette raison la théologie chrétienne ne tombe pas dans la culpabilité morbide, car le péché n'est connu comme tel que dans le bien, et donc le moment où le pécheur prend conscience de son péché c'est celui où il découvre que Dieu le lui pardonne, ainsi que le manifeste la parabole de l'enfant prodigue (Lc 15).
Dieu qui est infiniment bon, connaît donc parfaitement la malice du mal. Et en un sens on peut dire qu'il en souffre. Il est, plus que d'autres, victime du mal qui l'affecte à raison de sa perfection. le fit que Dieu soir vulnérable au mal n'est pas signe de sa faiblesse, mais bien celui de sa grandeur qui est amour du bien et volonté que l'oeuvre de la création réussisse" (p. 86 sq)