Tenir une "lampe allumée". Petites méditations sur Noël

lumière de BethléemChers amis, chers tous qui lirez ce propos et que je ne connais pas,

Aujourd'hui, avant veille de Noël, j'ai le coeur à vous partager une petite expérience qui a affaire avec une « lampe »... Une « lampe » que je m'efforce de tenir allumée en permanence depuis quelques jours dans ma cuisine. Soyez rassurés, ce n'est pas par crainte du black-out qu'on risque de subir en Belgique depuis la fermeture de certains réacteurs nucléaires que j'ai décidé de réaliser cette expérience. C'est plutôt parce que les jeunes scouts de Louvain-la-Neuve ont voulu apporter à la ville où j'habite une flamme venant de la grotte de Bethléem, en signe de paix et d'amitié entre les peuples. Cette flamme brille depuis 12 jours dans la chapelle de l'Église St-François à Louvain-la-Neuve, comme elle brille en permanence dans la chapelle de la nativité à Bethléem. Depuis une semaine, j'ai reçu à mon tour cette flamme et elle brille désormais sans interruption dans ma cuisine aussi, dans une petite lanterne que je m'efforce de tenir allumée jusque Noël.

 

En veillant sur cette flamme, je me suis rendue compte que cette flamme commence à me transformer. C'est une expérience que je ne m'imaginais pas de pouvoir faire... Je commence à me rendre compte de ce que veut dire Jésus quand il parle de « tenir une lampe allumée » pour inviter à devenir veilleur. Ce n'est pas juste une métaphore. Maintenant je comprends mieux. En effet, pour pouvoir tenir une lampe allumée, jour et nuit, il faut y veiller, il faut y penser et changer la bougie de temps à autre, vérifier que la mèche n'est pas étouffée par la cire, penser, avant d'aller se coucher, s'il y a assez de bougie, ou de cire, pour permettre à la flamme de ne pas s'éteindre. Tenir une lampe allumée demande attention et application.Donc, quand, pour solliciter les gens à prendre soin de leur coeur et à y veiller afin qu'il soit toujours brûlant de confiance et d'amour, Jésus les invite à tenir une lampe allumée, il suggère en réalité quelque chose de bien concret. Les gens qui l'écoutaient à l'époque pouvaient s'imaginer facilement que « tenir allumée la flamme du coeur » n'était pas une sine cura. Ils savaient que conserver la flamme à la maison pour pouvoir allumer le feu, cuisiner, s'éclairer et se chauffer comportait un certain « travail ». Et ils savaient aussi que ce « travail » était indispensable pour pouvoir vivre et contribuer au bien-être du foyer. Lorsqu’Il invitait à tenir une flamme allumée dans la vie, Jésus savait bien ce qu'il pouvait susciter dans le coeur de l'homme qui écoutait. Et il voulait l'inviter concrètement à penser qu'il faut veiller sur son coeur comme sur une petite flamme fragile, en y prenant soin, sans se disperser et la laisser mourir par inattention. Car laisser mourir la flamme c'est décider de vivre en survivant... sans feu ni chaleur !

En veillant sur la petite flamme de Bethléem, je ne m'imaginais pas que j'allais pouvoir découvrir tout cela. En effet, afin que la petite flamme dans la lanterne dans ma cuisine ne s’éteigne pas, je dois y veiller, changer la bougie, y penser avant d'aller dormir, y penser si je dois m'éloigner longtemps du foyer, la partager avec mes voisins car, au cas où elle allait s'éteindrequand même, je puisse la réallumer facilement (et c'est déjà arrivé). Cette petite flamme à entretenir me demande finalement une cura quotidienne qui me sort de ma distraction, de ma dispersion, de mon repli sur moi. Je découvre alors qu'elle est si fragile, mais que, dans sa fragilité, elle est si puissante à la fois. Elle ne s'impose pas, elle est là, éclairant l'espace et, lentement, si on en prend soin, elle transforme tout ce qui l'entoure. Je la regarde souvent, je prie en sa présence, je cuisine, elle étant allumée... et je sens que j'y tiens de plus en plus. Elle est devenue une présence dans le foyer. Les enfants y tiennent aussi. Mes voisins à qui je l'ai partagée, m'ont dit la même chose. C'est une flamme venue de loin, nous ne nous la sommes pas donnée nous-mêmes, elle ne peut pas se réallumer par la magie du soufre de l'allumette. Elle nous a été donnée (par les scouts qui l'on reçue et amenée à Louvai-la-Neuve, et par ma voisine, qui me l'a apportée un jour, en sonnant à la porte...). Maintenant elle est là et elle brille en ne demandant qu'à être entretenue. Et elle nous transforme, simplement par le fait qu'elle doit être entretenue. Oui, c'est tout simple, et pourtant c'est si fort comme leçon de vie et comme invitation au changement. C'est un mystère !

Oui, c'est le mystère de Noël cette petite flamme venue de Bethléem. Cette année, c'est elle qui est au coeur de notre Noël familial, du Noël dans mon coeur, du Noël tout court, je crois. Par la naissance de Jésus, Dieu offre lui-même le « salut » à chacun de nous. Notre « salut », vient donc d'ailleurs... Il nous éclaire, nous réchauffe, nous permet de vivre et nous conduit au partage. Mais il est don, nous ne pouvons pas nous le donner nous-mêmes. Et il est si fragile, comme un bébé, vulnérable, dont il faut prendre soin pour ne pas le laisser mourir. Mais il est aussi fragile et puissant comme la flamme qu'on reçoit et dont ont doit prendre soin. Le « salut » agit de lui-même, comme la lumière qui brille, éclaire et chauffe d'elle-même, même si on n'est pas là ! Sans nos soins, cependant, cette lumière peut s'éteindre, et alors.. on ne pourra pas la réallumer de nous-mêmes... Voici le mystère de Noël !

 Devant ma petite flamme venant de Bethléem et qui brille dans ma cuisine je me demande alors : « qu'est-ce que je fais pour tenir allumée dans mon coeur la flamme qui vient d'ailleurs et qui est force d'aimer, de partager, d'espérer, cette flamme qui me rappelle que le sens de ma vie ne vient pas de moi et que son 'salut ' est don »?

Je vois notre pays, la Belgique, et notre monde aussi, s'agiter dans une grande inquiétude, réagir à l'injustice, lutter pour le bien de tous, mais aussi persévérer dans la distraction, dans le désir de pouvoir et de richesse à tout prix, dans la fermeture à l'amour et dans l'oubli que la vie est don et qu'il faut l’accueillir comme un bien inviolable. Je vois des pauvretés de toute sorte autour de moi et je me demande « que dois-je faire ?», « que puis-je faire pour soulager la souffrance, pour prendre soin de ce qui est si vulnérable ?». Je ne sais pas très bien ce que je peux faire là où je suis, mais ce Noël, par la petite flamme de Bethléem dans ma cuisine, me dit que je peux au moins veiller sur mon coeur, afin qu'il ne s'endorme pas, qu'il ne soit pas distrait, qu'il reste ouvert à accueillir son salut, et qu'il soit brûlant du désir d'aimer, de se donner et de partager cette flamme de l'amour et du don autour de soi.

Dans le concrets des jours, ne laissons fuir aucune occasion pour transmettre cette flamme, afin qu'elle ne s'éteigne jamais et qu'elle puisse annoncer à tous ceux qui la reçoivent la bonne nouvelle du salut : oui, nous avons un coeur qui peut aimer et se donner, et nous pouvons veiller sur notre coeur afin que notre vie soit don, comme Dieu s'est donné à nous afin de nous apprendre que nous existons pour aimer et être aimé, et que nous sommes nés libres, pour pouvoir nous donner. Et que c'est là la seule richesse que personne ne peut jamais nous ravir et qui peut nous éclairer et réchauffer quelle qu'elle soit la situation dans laquelle nous sommes amenés à vivre..

Joyeux Noël à tous !