La crise silencieuse de la faim
Jacques Diouf, directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l’'alimentation et l’agriculture (FAO), a rappelé tout récemment, lors de l'ouverture du Forum céréalier mondial à Saint-Pétersbourg que « nous devons construire un système de gouvernance de la sécurité alimentaire mondiale plus cohérent et plus effectif; nous devons corriger les politiques et le système international d'échanges qui ont entraîné une aggravation de la faim et de la pauvreté (…) Ce qui est important aujourd’hui c’est de réaliser que le temps des paroles est désormais révolu (…) Le moment est venu de passer à l'action. La crise alimentaire nous a appris que pour vaincre la faim, nous devons nous concentrer sur ses causes profondes et cesser de nous occuper des conséquences des erreurs du passé.”. Une des causes est la hausse des prix alimentaires, qui a commencé en 2006, s’est accélérée en 2007 et a atteint un sommet en juin 2008. Cela signifie qu'en deux ans seulement, les prix internationaux des produits alimentaires de base ont augmenté d’environ 60% alors que ceux des céréales doublaient”. Cette hausse de prix alimentaires a fait grimper de 115 millions le nombre d’affamés dans le monde. Pour le Directeur général de la FAO, la crise silencieuse de la faim représente une grave menace pour la paix et la sécurité mondiales.
De son côté, Mme Josette Sheeran, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), affirme que «la progression rapide de la faim provoque une gigantesque crise humanitaire. Le monde doit se ressaisir pour satisfaire les besoins d'urgence tout en pensant à des solutions à long terme».
Éradiquer la faim doit donc devenir l'une de priorités de la communauté internationale.
Dans un article publié sur le site de l'ONU, Le coût réel de la faim, George McGovern, ex Ambassadeur des États-Unis auprès des organisations des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, affirme que la faim est une condition politique, et que le monde possède le savoir et les ressources pour éradiquer ce fléau. La faim ravage le monde depuis des milliers d’années, mais pour la première fois, l’humanité dispose de moyens pour vaincre cette cruelle ennemie à un coût raisonnable. L’augmentation de la production alimentaire obtenue grâce aux nouvelles techniques agricoles, y compris la Révolution verte, ainsi que le ralentissement de la croissance démographique, ont réduit la faim dans les pays en développement. Les statistiques semblent encourageantes : si elle était distribuée équitablement, la production céréalière mondiale actuelle pourrait fournir à chaque personne ce qui est suffisant pour assurer les besoins de base !!
George McGvern s'interroge aussi sur le coût que la communauté internationale devra supporter si nous n’éradiquons pas le fléau de la faim. La Banque mondiale a conclu que, chaque année, la malnutrition engendre une perte de 46 millions d’années de vie productive, soit un coût annuel de 16 milliards de dollars, ce qui représente plusieurs fois le coût nécessaire pour éradiquer la faim et transformer cette perte en gain productif.
Ne rien faire pour éliminer la faim dans le monde relève donc de la faute morale grave.
Lors de la fête du Corpus Domini, fête du Corps et du Sang du Seigneur, le Pape Benoît XVI invitait aussi la communauté internationale à faire de l'éradication de la faim l'une de ses priorités : « En ce jour où, en Italie et dans de nombreuses autres nations, on célèbre la fête du Corpus Domini, "Pain de la vie", comme je viens de le mentionner, je désire rappeler en particulier les centaines de milliers de personnes qui souffrent de la faim. Il s'agit d'une réalité absolument inacceptable, que l'on a du mal à réduire en dépit des efforts de ces dernières décennies. Je souhaite donc qu'à l'occasion de la prochaine conférence de l'ONU, et qu'au siège des institutions internationales, on prenne des mesures partagées par toute la communauté internationale et que l'on fasse les choix stratégiques, parfois difficiles à accepter, qui sont nécessaires pour assurer à tous, aujourd'hui et à l'avenir, la nourriture fondamentale et une vie digne». (prière de l'Angelus)
Ce problème nous concerne tous. Nous pouvons tous y faire quelque chose.. au moins en prenant conscience (et en aidant d'autre à en prendre conscience) que la faim n'est pas une fatalité et qu'elle peut être éradiquée du monde si seulement les responsables de nos sociétés, et chacun de nous en particulier, nous commençons à le vouloir... et à le choisir. En prenant de plus en plus conscience de ce fléau et de son caractère « réversible », nous pourrons de mieux en mieux faire pression sur les états les plus riches (les nôtres !!) afin qu'ils s'engagent à mettre tout en oeuvre pour le faire disparaître...
Il est trop tard pour être pessimistes...
Pour approfondir le thème :
FAO : une personne sur six dans le monde souffre de la faim
site de l'ONU : le coût réel de la faim
site de Willem van Cotthem, professeur émérite de l'université de Gand (site sur la sécheresse et les problèmes de désertification) : La faim dans le monde doit revenir au premier plan des priorités
Benoît XVI : la faim et la pauvreté sont inacceptables ( 13 juin 2009)
Benoît XVI : la faim n'est pas une fatalité (5 juin, message adressé aux participants du sommet de l’organisation de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture, FAO)